Dans La nuit souveraine, le geste est étendu jusqu’à affronter l’obscurité de l’époque qui nous plonge dans une nuit qui, de souveraine, devient tyrannique. Nuit de l’aliénation sous toutes ses formes, dont la traversée de la ville, avec ses néons et ses vitrines, se fait accusation d’un temps qui nous réduit à néant. Quelle clarté viendra dénouer la nuit ? C’est qu’au-delà des carcans et des prisons, nous croyons à La résistance du soleil.
Extraits
Obscur,
obscur autour,
obscur qui nous entoure,
obscur des signes,
obscur des formes,
obscur à la lettre.
La nuit souveraine gouverne,
règne sur l’espèce humaine
en quête de clartés fugaces,
voile étendu
sur le corps endormi,
guidé par le songe.
Elle plonge dans ses rives nocturnes,
déployant son cortège d’ombres,
sa compagnie des heures profondes
où le sommeil si lourd
referme les paupières.
Soudain
s’éveille le désir
de ne faire qu’un
avec l’étoffe du dehors,
parcourir les méandres de la ville
à l’heure où les silhouettes se devinent.
Obscur de l’air,
obscur des rues,
obscur des façades,
obscur au porte à porte,
obscur en décor,
obscur encore.
Nous nous perdons
dans la couleur
de ses draps
si sombres,
âmes errantes.
Nous prenons cette route
à la lumière des phares,
comme on part à l’aventure,
défilent les arbres, les feuillages, les paysages,
plongés dans l’encre du sillage où revenir,
en train de s’écrire pour une dérive
où au bout de la quête,
on retrouve le foyer
où se reposer,
reprendre des forces,
être serein.
Le mystère de la chambre
se conjugue au charme du vent
qui vient siffler contre la vitre,
murmure l’appel externe
où respirer à grandes bouffées.
Obscur du périple,
obscur à l’épreuve,
obscur au fil du temps,
obscur lentement,
obscur lancinant,
obscur sans fin.
[…]
Ce vide
crevant à la surface,
de tout le poids de son silence,
trouait les crânes
en quête de l’instant
qui dénouerait l’ombre.
Ce quelque chose indéfinissable
dont l’absence criait dans tous les cœurs
pétris par une époque
ne laissant entrevoir
le moindre éclat,
qui le ramènerait ?
Quelle fulgurance
traverserait ce théâtre,
en trait sauvage et définitif ?
Novembre 2014.