« Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri. »
(René Char, Feuillets d’Hypnos, 104, 1943-1944)
Ce cri des yeux, effroi face à l’horreur ou extase face au sublime, qui est encore capable de l’entendre ? Le géant protecteur possède ce sens aiguisé de la perception, lui qui a par ailleurs affirmé que la lucidité était « la blessure la plus rapprochée du soleil » ; souffrance éprouvée ou cicatrice de la vérité, c’est à cette hauteur de vue que se tient le poète résistant.
Hurlement d’alarme face à la dureté du monde ou chœur vibrant au sein de sa beauté associée, cette voix à l’œil affûté, cette écriture à la croisée des regards forme un inaliénable éclat dans les fragments qui s’ajoutent à la lecture des Feuillets d’Hypnos.
Noyau de sens, l’aphorisme détient cette authenticité des sentences d’un humanisme sans moraline, dont la moralité, ou peut-être est-il préférable de dire l’éthique, vise à rendre audible aux lecteurs couverts d’œillères que nous sommes, ce grand cri qui nous dépasse et qui nous fait.