Elle point à l'horizon, et c'est un second souffle, une lueur d'espoir. J'ai veillé toute la nuit pour attendre cet instant qui déchirerait le ciel. Elle point donc, et c'est un sursaut, un réveil qui redéploie une à une les vertèbres de ma colonne. Non plus courbé, mais à nouveau debout et droit comme le i à l'initiale d'intensité. J'ai parcouru de nombreux livres à la recherche de la formule juste que je souhaite insuffler sur cette page que je macule de mots. Attention, nul jeu d'esprit avec les maux, les fléaux que l'écriture s'efforce de conjurer. Je prends note des confiteors de l'aurore, j'inscris cette parole de l'aube, celle chargée de promesses et de perspectives qui semble étendre le champ des possibles.
Je rêve d'un verbe magique qui toque à la porte, écarte les volets, se confond avec le vent du matin qui épelle la beauté des paysages au détour des chemins. La brise du printemps n'est pas que l'épilogue de l'hiver, il s'avère l'incipit d'un été solaire et verdoyant. Une autre ère s'annonce, aussi violent soit son enfantement ! Je ne suis qu'un témoin de ce passage, garant de le traverser en dépit des rechutes dans les cycles de la folie destructrice qui a gagné nos contrées. Pourtant la vie est encore paisible, les plaintes ne paraissent que de lointains échos de la déraison du monde, mais peut-on nier l'évidence du péril quand des lendemains d'apocalypse se présagent ?
La parole de l'aube, j'y reviens, comme un leitmotiv, un sésame, un ralliement qui n'aurait rien d'un mot d'ordre, mais serait la portée des actes au sens reconquis, des existences entières où le cœur bat son plein... Elle témoigne d'une quête des myriades de combattants de la vie que nous sommes, guettant le point de basculement qui s'ouvre sur les feuillets limpides de l'utopie concrète. Et je me moque de la voix de sornette qui qualifierait chacun de doux rêveur, quand il ne fait que formuler ses aspirations enfouies, celles que l'absurde et la désespérance ont refoulées dans les mécanismes rouillés du passé.