Venant d'apprendre la mort d'Ysabelle Lacamp, ce 26 juin 2023, à Paris, romancière que j'ai eu la chance de rencontrer à Narbonne, lors d'une dédicace de son ouvrage aux éditions Bruno Doucey, consacré aux derniers jours du poète Robert Desnos, je tiens à partager ces quelques lignes qui résonnent singulièrement avec les circonstances, un passage que j'avais alors déjà trouvé bouleversant...
Mai 1945, libération du camp de Terezin. Un rescapé des camps de la mort au regard bienveillant croise un enfant, lui aussi rescapé : le dernier enfant survivant de Terezin. Cet homme s'appelle Robert Desnos. Comme un grand frère protecteur, le poète résistant qui se meurt trouve encore une fois les mots. Ysabelle Lacamp nous convie à cette rencontre bouleversante où la poésie triomphe de la barbarie.
Extrait : « Au petit matin, tu as pris la route buissonnière vers un nouveau lieu sans verrou.
Il paraît que tu as soulevé une paupière et que tu as dit en souriant que c'était ton matin le plus matinal.
Derrière le carreau où bleuissait l'aube, la campagne semblait s'être tue.
Un silence incongru, blanc, immense, comme si, disais-tu, rien ne pouvait troubler les monts, les cieux, le feu, les eaux / Excepté cet envol horizontal de plumes / Qui révèle la chute et la mort d'un oiseau.
Puis ta tête, imperceptiblement, a glissé.
Dans ta poche de pyjama, Joseph et Alena ont retrouvé le petit bout de papier que je t'avais donné la veille.
Comment dans ton état de faiblesse avais-tu trouvé la force d'y retranscrire le poème « À la mystérieuse » que tu m'avais promis ?
Devant leur émotion à l'idée de détenir ton dernier poème, je n'ai rien osé dire de peur de les décevoir.
Aucune malice de ma part.
Je trouvais si beau que chacun garde en son cœur un don de toi, un tout petit don tel un dernier clin d’œil du magicien que tu avais été pour accompagner ton départ. »
(Photographie Par Alain Zirah from Paris, France — Alain Zirah & Ysabelle Lacamp, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8668869)