La voix du voyage
Viens, voyage,
explore les voies de traverse,
lignes d’embarquement
destination inconnue,
loin des balisages de l’ordinaire,
ces parcours qu’édictent
les guides du déjà vu,
ignore les.
Va,
il n’y a pas d’endroit
identique à un autre,
pas une atmosphère
qui ne puisse te rappeler
l’exception.
Pars,
en route sans délais,
partout où les chemins t’appellent,
avec pour tout fardeau
ton désir de partance,
de partage.
Et peu importe le moyen,
ne compte que le transport,
la trajectoire qui t’emporte
au-delà du but que tu t’étais assigné,
qui t’entraîne soudain
vers ce que tu cherches
sans carte ni boussole.
Tous les parcours
sont à portée de main,
courses marines,
routes terrestres,
voûtes célestes,
tous les relais
sont propices
à passer le témoin
à l’autre arpenteur,
cet allié
dont tu ignores encore
à peu près tout.
Il reste une voie,
une à fréquenter,
à éprouver le terrain,
une voix d’encre,
inscrite dans ces carnets de bord
qui sont autant de pactes
à emboîter le pas.
Voix plurielle,
faite de tant d’autres voix,
où s’entremêlent
mélopées d’Orient
ou d’Occident,
senteurs de là-bas
ou d’ici,
sable, bitume,
et errances sur les dunes.
Polyphonie
où se croisent les coutumes,
s’échangent les traditions,
alliage intime,
accord des différences.
Il n’y a plus de frontières,
tout se noue, se dénoue
dans la naissance
d’une parole salvatrice.
Poursuis la voix
proposée
au-delà
des territoires éventés
du connu,
celle qui murmure
sa part de mystère,
défi contre les usages
à laminer l’immensité offerte.
Laisse-toi porter
par le filet de mots
que verse le passage ombragé,
énigme posée au voyageur
avide de paysages retirés,
détenteurs d’un continent
inexploré.
Ce passage s’ouvre parfois
sous une lumière crue
sans que le simple passant
n’ait su le déchiffrer,
en retenir la leçon,
sans qu’il n’ait réellement emprunté
cette voie pour ce qu’elle est,
un virage débouchant
sur d’autres moments à vivre.
Le visage du voyage.
À mi-chemin du périple,
à la croisée des diagonales de l’envol
et des droites de la chute,
à la lisière du possible
et de l’inouï,
se révèle la clé
de la pérégrination
sous les traits
d’une apparition.
Voyage,
épouse ce corps immense,
à l’épaisseur du roc
et l’élégance du vent,
au goût si savoureux,
le corps entier du monde,
épouse le jusqu’à sa parcelle la plus exiguë,
jusqu’à son hameau le plus reculé,
quand sur l’un de ses multiples rivages,
dans le sillage du bras ou de la main,
tu découvres le visage du voyage entrepris,
avant que ce résumé à lui seul du monde
ne se perde à son tour, dans l’onde.
Le silence jusqu’au geste,
le geste jusqu’au voyage,
le voyage jusqu’au…